Le Théâtre Romain Rolland

Après la guerre, Villejuif sera le lieu de rendez-vous des futurs acteurs de la décentralisation théâtrale parisienne comme Pierre Debauche, Gabriel Garan, Guy Kayat et Raymond Gerbal. La population de Villejuif ayant doublé, la municipalité réaménage tout le centre du bourg qu’était encore Villejuif, avec de multiples logements et construit le premier théâtre de la banlieue sud.

EN 1964

Le Théâtre Romain Rolland est inauguré par Louis Aragon et Elsa Triolet.

Raymond Gerbal, ancien élève de Charles Dullin, en devient le directeur et metteur en scène. Dès le début, il crée, pour cette grande salle de 1000 places, des spectacles populaires et engagés (« Les dix jours qui ébranlèrent le monde », « La grande main de Faragaladoum », …). Il y invite d’autres artistes, et lance des animations dans les quartiers à l’image des premières Maisons de la culture.

Le théâtre s’ouvre dès ses débuts au cinéma et sera le premier, en banlieue, à obtenir le label « Art et Essai ».


DE 1981 À 1983

Des travaux sont réalisés pour améliorer la visibilité et l’accueil du public, réduisant le nombre de places à 800.

Marcel Tavé, éphémère directeur, organise un prestigieux festival de Commedia dell’arte, où se produisent « Le piccolo teatro » de Milan, Dario Fo, Vittorio Gassman et d’autres…


DE 1984 À 2001

Henri Kochman, ancien comédien de Raymond Gerbal, prend la direction du TRR. Il invite en 1985 la compagnie le Théâtre de la Jacquerie à venir s’implanter à Villejuif. Dès lors, se développe une politique de soutien à la création et d’actions culturelles sur la ville de Villejuif.


DE 2001 À 2014

Alain Mollot, metteur en scène du Théâtre de la Jacquerie et Alexandre Krief, administrateur, arrivent à la direction du théâtre. L’année suivante, le TRR devient Scène conventionnée par l’État.

Fin 2006 est inaugurée la deuxième salle du théâtre, située dans la nouvelle médiathèque de Villejuif. Elle compte 130 places, elle est prioritairement vouée à la création et accueille des spectacles pour plusieurs représentations. Le TRR devient alors producteur de spectacles et organise des tournées dans toute la France.

Alexandre Krief devient seul directeur en 2009, tandis qu’Alain Mollot retourne à sa compagnie, avant de décéder en 2013.


DEPUIS MARS 2016

Après 20 mois de travaux, la Salle Jacques Lecoq rénovée a ré-ouvert ses portes. Avec ses 660 places, sa transformation est spectaculaire et réussie !

Origine des noms des deux salles du TRR

La salle Jacques Lecoq
La grande salle du Théâtre, qui date de 1964, a été baptisée quelques années plus tard « Salle Jacques Lecoq », du nom du grand pédagogue international du théâtre, disparu en 1999.
Né à Paris en 1921, Jacques Lecoq s’oriente dès 1937 vers l’enseignement de l’éducation physique et des sports. Ses premiers pas plus tardifs dans le monde du théâtre confirment l’importance du corps pour lui, s’inscrivant indirectement comme héritier de Jacques Copeau. Un séjour de huit ans en Italie marquera sa vie professionnelle, notamment par la découverte de la Commedia dell’ Arte, et des recherches sur les masques (il inventera le concept de « masque neutre »). Il crée son école de Mime et de Théâtre en 1956, puis vingt ans plus tard, ouvre le LEM (Laboratoire d’Etude du Mouvement), dédié à la recherche dynamique de l’espace et du rythme.
Reconnu dans le monde entier, par le biais de ses conférences notamment, il a ainsi formé des artistes de tous les pays, jusqu’à sa mort, en 1999. C’est en hommage à ce grand homme de théâtre que le Théâtre Romain Rolland a voulu donner ce nom à la plus grande de ses deux salles.
En savoir plus :  http://www.ecole-jacqueslecoq.com/

La salle Églantine
Deuxième salle du TRR, la salle Églantine porte de nom d’une troupe de théâtre amateur villejuifoise.
L’Églantine fait ses débuts en 1924. Fortement engagée dans l’action politique, l’Églantine s’associe au Parti Communiste et participe à sa victoire contre la mairie de droite de l’époque. Animée par de jeunes travailleurs, L’Églantine crée des spectacles, sketches, chansons, et anime des bals et des fêtes populaires. Elle adhère au Théâtre Ouvrier de France, et circule dans toute la France, se liant aux écrivains et artistes engagés du moment. Une partie du groupe prendra ensuite son indépendance pour devenir une compagnie semi professionnelle sous le nom de « Rideau Populaire ». Grâce à la troupe Églantine, le théâtre s’est épanoui à Villejuif. L’Églantine cesse ses activités en 1940.

Un théâtre porté, dès le départ, par son public

Entre 1965 et 1975, le théâtre est géré par un directeur, Raymond Gerbal, chargé de la programmation. Il collabore avec un centre culturel, soutenu par la Municipalité, qui rassemble 1.500 adhérents bénévoles dans la population de Villejuif.

Martial Roger, aujourd’hui président de l’association « Théâtre Romain Rolland », était l’un de ces jeunes adhérents. Il évoque pour nous cette période :

Sur les 1.500 adhérents, 100 à 200 étaient super actifs, dans et hors du Théâtre. Nous organisions chaque année une foire aux livres pour la jeunesse. Nous distribuions, à l’occasion de chaque film ou spectacle, des tracts dans toutes les boîtes aux lettres de Villejuif. Je me souviens de Marguerite Eisenberg qui avait peut-être 80 ans et qui, avec son caddie, distribuait des tracts avec nous. Il y avait une commission cinéma, composée de trente personnes qui, en dehors de la programmation régulière de films par le directeur, organisait des week-ends autour d’un thème (le cinéma brésilien, par exemple) avec de grands critiques de cinéma comme Samuel Lachize ou Marcel Martin. Les cinéastes de l’époque se déplaçaient facilement, passaient la journée et finissaient la soirée avec nous. Ce fut le cas de Frédéric Rossif, Robert Enrico, Yves Boisset. Je me souviens des anecdotes tordantes de Claude Chabrol. Ce furent aussi René Allio et ses « Camisards », René Vauthier avec « Avoir 20 ans dans les Aurès », sur la guerre d’Algérie, de Bo Widerberg avec « Adalen 31 » (grande grève de Suède). Je me souviens aussi d’un Michel Piccoli, vraiment pas tiré à 4 épingles, mais très gentil, venu présenter « Le mépris » de J.-L. Godard devant une salle clairsemée, un samedi à 14 heures. « Avec vos débats, disait Gerbal, vous allez m’amener toute la petite bourgeoisie dans ce théâtre » (destiné selon lui aux ouvriers). Nous nous sommes aussi décarcassés « pour en sortir du théâtre ». Nous organisions notamment dans les quartiers des tournées décentralisées de pièces de théâtre, de concerts, de spectacles de danse… Je me souviens encore de Mai 68 et des journalistes grévistes de l’ORTF qui s’étaient rassemblés à Romain Rolland autour d’un Roger Couderc, qui avait un moment oublié le rugby, pour de grands discours où le monde devait changer ; du numéro 1 de la revue « Echange » (programme du théâtre) où étaient annoncés dans la même saison, Ariane Mnouchkine, Armand Gatti et Marcel Marceau. Puis ce furent Vitez, J.-P. Vincent, Jourdheuil, Debauche, Garran, Valverde et puis des jeunes acteurs comme Pierre Arditi, Michel Vitold. Sans compter toutes les vedettes de variétés imaginables, de Raymond Devos à Léo Ferré. Qui n’est pas passé au Théâtre Romain Rolland ? Pour couronner le tout, ce fut au milieu d’une foule immense, l’endroit que choisit Nelson Mandela pour faire son discours lors de sa visite à Paris, en 1993.


Vers 1975, le centre culturel changea de statut. Les ex-militants se regroupèrent dans une association « Les amis du Théâtre Romain Rolland » qui existe toujours aujourd’hui. Néanmoins, ce lien qui unit la population de Villejuif à son théâtre est toujours aussi fort, sans doute, grâce à toute cette histoire.